Accueil Dossier Mobilité durable : Jean-Baptiste Djebbari et le secteur routier veulent transformer l’essai

Mobilité durable : Jean-Baptiste Djebbari et le secteur routier veulent transformer l’essai

mobilité durable
Dossier
Mis à jour le 09 avril 2021 par

A lui seul, le secteur des transports concentre plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Il semble donc évident que, pour atteindre les objectifs que la France s’est fixé en termes de bilan carbone, la contribution du secteur routier est impérative. Et même si les pouvoirs publics tentent d’y prendre leur part, ce sont surtout les acteurs de ce secteur eux-mêmes qui sont à l’origine de nombreuses initiatives visant à rendre nos routes plus responsables.

Lorsqu’elle a dévoilé ses 149 propositions en juin dernier, la Convention citoyenne pour le climat a consacré un volet entier à la problématique des transports. Il faut dire qu’à eux seuls, les déplacements des personnes et le transport des marchandises représentent plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Le transport routier est le premier contributeur dans notre pays, devant l’agriculture et l’industrie. Autant dire que, si la France veut tenir ses engagements pris lors de l’Accord de Paris en 2016 de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et de 75% d’ici à 2050, elle doit obligatoirement prendre le problème du transport routier à bras-le-corps.

Une donnée que le gouvernement a bien prise en compte puisqu’en mai dernier, Elisabeth Borne, alors Ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat aux Transports, ont mis en place le « Forfait mobilités durable » visant à encourager les salariés français à renoncer à utiliser leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail au profit de moyens de transport plus propres et moins coûteux, tels que le vélo, les transports en commun ou le covoiturage.

Reste à savoir si ce nouveau dispositif gouvernemental sera efficace car, jusqu’à présent, force est de constater que les initiatives de ce type n’ont pas été couronnées de succès. Citons en exemple le fiasco de l’écotaxe il y a quelques années, qui aurait coûté à l’Etat la modique somme de 10 milliards d’euros ou, plus près de nous, l’abandon de l’augmentation de la taxe carbone suite au mouvement des Gilets Jaunes. Et si face à l’inefficacité des mesures prises par les pouvoir publics, le salut venait des initiatives des entreprises du secteur privé ? Car, dans ce domaine, elles sont de plus en plus nombreuses à mobiliser leur capacité d’innovation pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Décarboner les déplacements

Parmi les grands acteurs de la mobilité au niveau national, Vinci Autoroutes a décidé de s’attaquer au problème. Consciente de l’impact que la circulation de véhicules sur son réseau a sur l’environnement, les déplacements sur autoroute représentant 20 % des émissions de CO2 du secteur des transports et 6 % du total des émissions du pays, la société a réfléchi à un concept d’autoroute bas carbone. L’objectif : décarboner le transport autoroutier en favorisant l’écomobilité, avec la mise en place de voies réservées aux transports en commun et au covoiturage ainsi que de parkings réservés au covoiturage et la densification du réseau de bornes de recharge électriques et hydrogène sur les aires du réseau Vinci. Mais l’autoroute bas carbone, c’est aussi l’installation de panneaux solaires pour produire une énergie propre, le remplacement des systèmes d’éclairage par des LED, la multiplication des dispositifs de tri et des actions de protection de la biodiversité et des milieux naturels, ou encore la création de hubs multimodaux. Bref, tout ce qui peut contribuer à faire baisser la facture énergétique du transport autoroutier ! Vinci Autoroutes a déjà signé une convention de partenariat avec la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur en ce sens, et travaille avec les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie respectivement présidées par Alain Rousset et Carole Delga.

Dépolluer le revêtement

Cela peut sembler surprenant, mais même lorsqu’aucune voiture ne les emprunte, nos routes polluent. C’est vrai lors de leur construction car, entre la production des enrobés et leur déploiement à l’aide des centrales de fabrication des chantiers, la conception d’une route est une succession d’opérations fortement émettrices en gaz à effet de serre, comme le signale l’Autorité de régulation des Transports dans son rapport consacré à l’économie des concessions autoroutières. Mais c’est aussi vrai sur la durée : en effet, une étude menée par un chercheur de l’université de Yale a démontré que le bitume était à l’origine de l’émanation de divers polluants. Pour toutes ces raisons, plusieurs entreprises proposent des alternatives plus écologiques. C’est le cas, par exemple de Colas, qui a mis au point un liant végétal pouvant se substituer au bitume baptisé Végécol. Grâce à ses propriétés physiques et mécaniques, il permet de fabriquer et d’appliquer les enrobés à une température inférieure de 40°C par rapport à des enrobés classiques. Le gain est donc double : énergétique et environnemental. Dans le même ordre d’idée, le groupe Eiffage a mis au point Biophalt, un enrobé à l’empreinte carbone neutre conçu avec 40% d’agrégats recyclés et d’un liant végétal. Cet asphalte plus écologique est testé depuis le mois de septembre sur une portion de 260 mètres de la RN205 qui relie l’A40 au tunnel du Mont-Blanc. De son côté, Eurovia a mis au point le premier enrobé 100% recyclé. Une véritable prouesse technique, quand on sait qu’en moyenne le taux d’incorporation d’agrégats recyclés n’est que de 18%, qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50%. Mais l’avenir est peut-être aux routes capables de produire de l’énergie, comme la route solaire Wattway et la route à énergie positive Power Road, ou encore à l’autoroute électrique.

Optimiser la conception

Tous les chantiers de grande ampleur – et la construction d’une autoroute en est assurément un – sont d’énormes émetteurs en gaz à effet de serre. La marge de progrès en la matière est donc immense, et ce progrès pourrait bien résider dans une méthode révolutionnaire : le BIM pour Building information modeling, que l’on peut traduire par Modélisation des informations du bâtiment. Le BIM est un ensemble de processus et de méthodes de travail innovants qui sont mis en œuvre tout au long de la conception, de la construction et de l’utilisation d’un bâtiment ou d’un ouvrage. Il s’appuie notamment sur des outils collaboratifs, dont une maquette numérique paramétrique 3D qui permet d’améliorer la communication entre les acteurs du projet, de fiabiliser la conception et la construction des ouvrages, puis d’en faciliter l’exploitation grâce à la mise à disposition et à la structuration d’un ensemble très important de données. C’est cette méthode encore assez peu répandue qui a été utilisée dans le cadre du projet d’élargissement de l’autoroute A10 au Nord d’Orléans. L’optimisation d’un tel projet dès la phase de conception, et notamment l’utilisation du BIM 6D qui traite tout ce qui concerne le développement durable sur un chantier, a un énorme impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisqu’elle peut aller jusqu’à 85% sur toute la durée de vie du projet.

Les leviers permettant de décarboner la route sont multiples. C’est l’un des enjeux du plan de relance, qui ne doit pas oublier ce secteur essentiel pour la compétitivité de l’économie et la performance environnementale du pays.